« Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas »      
« The XXIth century will be spiritual or will not be »       André MALRAUX

 

Le destin de l’homme est lié à celui de l’arbre…

Jadis l’homme le révérait, l’adorait. C’était un lieu entre le ciel, la terre et l’enfer, voire même l’ancêtre de la race humaine.

Mais notre époque semble avoir oublié ces temps pas si lointains.
Les totems mi-arbre, mi-humains, surgissent du sol pour se dresser vers le ciel, affirmant une volonté de ré-introduire une image symbolique de l’harmonie homme arbre dans la conscience contemporaine.

Ces témoins célestes représentent un élément de spiritualité dans un monde où l’hyper communication rend les hommes oublieux de leur propre passé et donc de leur avenir.



The fate of the man is bound to that of the tree …

Formerly the man revered it, worshipped it. It was a place between the sky, earth and hell, even the ancestor of the human race.

But our present time seems to have forgotten these times not so distant.
The totems half-tree, half-human, spring out from the ground to raise towards the sky, asserting a will to reintroduce a symbolic image of the harmony man tree in the contemporary consciousness.

These heavenly witnesses represent an element of spirituality in a world where hyper communication returns the forgetful men of their own past and thus of their future.

Paris, 1987
Michel PICOUET

 

 

L’ECHO ET LE MYTHE DE LA FORET

L’œuvre de Michel PICOUET veut évoquer véritablement l’extraordinaire richesse qui germe dans l’esprit de la forêt. Il a ressenti très tôt le désir de partager l’étonnant dynamisme qui sommeille dans le dialogue et l’utilisation de l’arbre. Comme le grand sorcier primitif, il va vers la forêt et avec une modestie de moyens ramasse des branches et des écorces d’arbres morts pour leur inculquer un nouveau souffle de vitalité créatrice : la conception et le jaillissement de la magie libératrice métamorphosent les matériaux originaux utilisés, en leur donnant une nouvelle signification, proposée à notre réflexion artistique.

Avec les totems, nous assistons à la présentation de la forêt dans toute sa véracité. Totems-personnages, par lesquels l’artiste entreprend le voyage elliptique de l’écho de cultures, pour y reconstituer une nouvelle entité de symboles. « La Grande Déesse », « Le Minotaure », « Le Grand Philosophe », « Liberty », « Le Gardien de la Forêt », ne sont qu’une partie des totems-sculptures qui se personnifient et acquièrent un caractère individuel. Mais si on voulait les assembler autour du cercle initiatique dans le village primitif, nous verrions alors ressurgir des visions par lesquelles la présentation de ces Dieux prendrait le chemin de la forêt vers la cité. L’artiste comme le sorcier créateur, invoque les esprits, construit ses idoles, les répartit ici et là, et les fait revivre dans notre univers quotidien.

Les deux couleurs qui généralisent son œuvre : bleu turquoise et rose, composent à elles seules le diapason rythmique de sa démarche, qui sort la forêt de son univers d’ombre pour lui inculquer la tonalité de notre temps et le mouvement de la créativité continue. Dès lors, sa peinture et sa sculpture apparaissent comme une expérience qui récupère les lointaines racines de l’homme lorsque la forêt était la grande cathédrale du Monde.

Paris, Février 1989
ISAAC ORTIZAR

 

 

Les totems couleurs

Après avoir manipulé successivement différents matériaux, Michel Picouet a trouvé une orientation plus caractéristique créée par le simple geste d'un morceau d'arbre peint à la manière d'une sculpture: proposition principale d'une innovation de l'espace incorporé à la nature, à l'environnement et surtout, participation à la cité.

Il veut introduire à nouveau des arbres dans la cité interdite, faire sentir qu'ils font partie d'une seule construction, moteur descriptif de sa création.

Et peut-on concevoir une cité sans arbres ? Voilà la question que se pose l'artiste. Et il va les chercher pour les approcher, les rendre art en les imposant comme sculptures à part entière avec un autre regard; "sentiment della recuperazione della nature" comme disait Joseph Beuys.

Ces morceaux de bois, branches nues, décousues et informes veulent exprimer artistiquement avec leurs aspects étranges, une profonde fusion picturale dans l'environnement ; économie de sacrifice qui prend forme et va se colorer de vert et rose jusqu'à devenir l'écriture intense de l'esprit de la forêt.
Michel Picouet se renouvelle dans le sens plastique de sa génération qui se croit héritière d'un discours véritable permettant à ses travaux d'accomplir d'abord en tant que sculptures puis, en groupe, un langage traduisant une histoire.

Cette présence réveille en nous l'essence la plus heureuse des saisons où nous nous sommes abandonnés à la rêverie. Je n'ai qu'à me promener parmi ses sculptures , pour ressentir l'écho de ces perspectives émouvantes. Le temps franchit les limites des murs et des jardins pour nous proposer de nouvelles fascinations, faire face à un danger et jouir d'autres artifices.
Tout cela, je l'entends comme des signes d'un domaine plus vaste mais qui forme en soi un petit monde d'agitation et de récréation.

Car je reconnais en lui notamment les vibrations d'un initiateur capable de nous surprendre par son allusion intellectuelle, l'amusement de son oeuvre et l'aventure d'une ingéniosité désespérée pour questionner et proposer dans l'art.

Toutefois, je continue à voir l'expérience essentiellement sous la forme d'une proposition qui peut fournir un panorama pénétrant et qui repose de plus en plus dans l'esprit de l'art contemporain en faisant resurgir la nature dans le conflit entre l'art et le monde.

Pourquoi donc donner d'autres références, à propos de cet artiste ? Si modestement qu'il semble se présenter, il nous a cependant déjà entraînés bien loin. La forêt est malade, et sa maladie est mortelle. Michel Picouet en tant qu'artiste l'a ressenti et tente de se porter en étendard pour nous en faire prendre conscience. Ce geste, à lui seul, est un acte d'amour, une communion de concepts qui génère un cycle de sculptures "Totems-Couleurs" se présentant en formes verticales ou horizontales.

Verticales comme des personnages imaginaires, anonymes, naturels, obsédants et devenus formes avec leur propre épiderme végétal, leurs cicatrices, leurs brûlures et les signes extérieurs du sacrifice offert. Horizontales en sculptures allongées, reposées comme des corps nus et noués par des gestes qui récupèrent une certaine sensualité.

Ainsi, au fil de chacune de ses oeuvres se racontent et se développent ses angoisses de créateur. Il nous fait découvrir et approfondir dans la genèse de ses personnages-sculptures-totems, anonymes, l'essentiel de ses vagues limbes où habitent les fantômes de son art. C'est pourquoi son travail nous fait remarquer une logique sûre, fournit la force, démêle une vérité, résiste avec authenticité et jette une nouvelle lumière novatrice et poétique au milieu de l'art de notre temps.

Michel Picouet a forcément une vision claire, un esprit libre qui se questionne sur la démarche de l'art et dramatise sur l'équilibre écologique de notre environnement. C'est à partir d'un matériau toujours à portée de la main et que l'on croyait oublié qu'il va nous raconter à sa façon une histoire, vision révélatrice de son art.

Il nous révèle l'arbre qui semble goûter à une autre réincarnation. Ces "Totems-Couleurs" vont s'inscrire dans cette forêt imaginaire, pour questionner l'espace, justifier leur présence comme un complément à l'architecture de la cité et assister à l'illusion d'une autre alchimie harmonieuse.

C'est une forme de réponse à l'attrait incessant du bois, de l'arbre qui fascine l'artiste: il le caresse, le peint avec ses deux couleurs, libère d'un souffle créateur ce nouveau conquérant, afin qu'il puisse devenir art et prendre sa place parmi nous en communiquant un renouvellement dans l'esprit de la sculpture contemporaine.

ISAAC ORTIZAR